“Esprit Dogon”/Installation in situ/Espace TRAMES/Dakar/Sénégal/2022.
ESPRIT DOGON est une exposition personnelle de l’artiste burkinabé Hyacinthe Ouattara, pour laquelle il mène une expérimentation qu’il souhaite universelle.
Son point de départ est un constat : le spirituel s’est retiré du monde, car « les bois sont devenus villages, puis villes ». Le sacré ne peut, ne veut pas lutter contre la modernité. Sa place éternelle lui est acquise, il s’est simplement déplacé, loin des cacophonies urbaines. Aux humains, s’ils le souhaitent, d’aller vers lui.
Pour Hyacinthe Ouattara, cette quête s’entame d’Ouest en Est, du Burkina vers le Mali, en direction du Pays Dogon. Si ce chemin est sans fin – dans sa ligne d’horizon les pyramides égyptiennes – il faut néanmoins progresser patiemment. Voici la première étape de ce long périple : ESPRIT DOGON.
Le Pays Dogon, en retrait de la modernité, a préservé l’espace dans lequel se déploie le sacré. Un monde caché, réservé aux initiés élus par les sages. Un monde qui évidemment se dérobe aux étrangers. Mais l’appel est irrésistible : Hyacinthe Ouattara fait le pari qu’il en sera, à côté des maitres vénérés.
Le plus grand voyage commence par l’observation, gage de compréhension d’une culture aussi riche. C’est l’expérience poétique de l’artiste. C’est aussi son invitation faite au spectateur. Dans la cosmogonie dogon, une divinité à la fois mâle et femelle, couple idéal, est maître d’une autre dualité, l’eau et le verbe. Ici, la parole est issue de l’humidité mais aussi du tissage car elle est faite de questions et de réponses entrelacées.
Voilà donc l’ambition de Hyacinthe Ouattara : en entremêlant et nouant des bribes de tissus sous tension, il tente de redonner la parole aux hogons, prêtres du culte, détenteurs des savoirs du monde invisible. Sa pratique artistique se confond avec l’expérimentation scientifique. S’il parvenait à les faire parler, alors peut-être que ces gardiens de la mémoire pourraient lui enseigner le secret de la vie, la maitrise de la force vitale.
Hyacinthe Ouattara a rêvé d’être un initié. Petit, il était fasciné par ces élus, maitres des dualités nécessaires à la vie mais néanmoins sources de conflits intérieurs, ces surhommes capables grâce à des rituels adéquats de corriger, dans un monde sans mal absolu, les ruptures d’équilibre.
En filigrane, apparait la véritable aspiration de l’artiste : recréer l’harmonie d’un monde troublé.
© Texte par Riad FAKHRI