Comment êtes-vous devenu plasticien ?
Tout d’abord je tiens à remercier Arabnews d’avoir accordé de l’intérêt à ma pratique artistique !
Il n’existe pas une école des Beaux-Arts au Burkina-Faso et la grande majorité des artistes-plasticiens de ce pays sont principalement des autodidactes dont je fais partie. Quelque part cela est une chance car on se sent beaucoup plus libre…
Enfant j’adorais dessiner, ensuite cette passion d’enfance m’a donné une forme de curiosité, puis au fil des années j’ai eu envie d’en faire quelque chose.
Après mon Brevet d’étude secondaire, j’ai décidé d’arrêter mon cursus scolaire d’enseignement général afin de m’intéresser à un monde purement artistique.
Et enfin suite à plusieurs expériences auprès d’ateliers comme le Hangar 11 (atelier collectif ) et aussi quelques initiations en dessin modèle vivant, je suis devenu plasticien en pratiquant et en explorant plusieurs médias.
Parlez-nous des œuvres que vous avez réalisées à Casablanca lors de votre résidence artistique aux Anciens Abattoirs…
Ma résidence à la Fabrique Culturelle des Abattoirs de Casablanca en 2016 fut pour moi une expérience enrichissante grâce à la structure ARKANE ! Le lieu était très habité et chargé de traces du passé, se sont des éléments qui m’ont parlé immediatement. J’ai profité de cette opportunité pour poursuivre ma recherche autour d’une partie de mon travail lié au textile, j’y ai réalisé une installation qui questionnait le vêtement comme métaphore de l’homme et identité d’une société, c’était une sorte de réflexion sur la mémoire universelle.
L’installation a été montrée à Marrakech lors de la Cop 22.
Comment cet espace urbain a-t-il trouvé écho en vous ?
J’étais dans une atmosphère de cinéma mobile ambulant en absorbant tout ce que je voyais et observais, ce que j’appelle l’atelier mental. J’ai été fasciné par ces grands marchés colorés, c’est mes lieux de prédilection, ce sont des musées à ciel ouvert et j’adore ça ! Les tissus qui ont servi pour ma résidence sont venus de ces marchés là, c’était l’âme du lieu que j’ai réutilisé d’une certaine façon.
Avez-vous une couleur fondatrice, que vous voyez comme la base du tableau ?
Le tableau est une expression de soit selon comment nous ressentons les vibrations du monde extérieur qui nous entoure. La spontanéité et la gestuelle ont une place très importante dans mon processus de création. Le choix des couleurs n’est pas prémédité à l’avance.
La radicalité de l’abstraction est-elle une des formes dans lesquelles peuvent s’exprimer les expressions les plus libres et intimes…
Pendant de longues périodes, je représentais des silhouettes humaines de façon oniriques, fantomatiques et parfois enfantines.
C’est la suite de cette recherche qui a donné naissance aux « Cartographies Humaines ». Une sorte d’anatomie cellulaires des tissus humains. C’est une façon pour moi d’entrer dans les entrailles du cosmos.
Mon travail actuel s’apparente à une géométrie spirituelle de l’espace, le dedans, le dehors et inversement, c’est-à-dire ce que l’œil nu ne peux pas percevoir. J’appelle ça le battement cardiaque de la terre car il faut se placer au bon endroit pour pouvoir l’entendre et tout ça est en chacun de nous : l’abstraction organique.
Vous déclarez au sujet de la série Multiplicité, présentée lors de l’exposition La poésie du lien à la galerie Afikaris à Paris : « Multiplicité est une somme d’expériences et de parcours dans un perpétuel besoin de renouvellement de mon langage plastique. Multiplicité témoigne d’un travail organique intérieur. Cette série invite le spectateur à s’interroger sur sa propre vision d’un monde en mutation permanente. »
Votre geste peut rappeler celui du peintre américain, Jackson Pollock traversé par le dripping et les all-over…
Ma série « Multiplicité » à la Galerie Afikaris à Paris au printemps dernier était l’action d’une quête permanente et la quête n’est pas un exercice aisé, cette série tire sa source dans l’œuvre et la pensée d’Édouard Glissant qui disait je cite « l’artiste est celui qui approche l’imaginaire du monde et que le rhizome est la racine qui s’étend à la rencontre d’autres racines »donc je me suis mis dans la peau du rhizome tout simplement. J’aime bien cette idée qui permet au regardeur face à une œuvre de choisir sa porte d’entrée et sa porte de sortie.
La poésie du lien, a aussi été marquée par l’installation Bois sacré, vous avez ravivé ce matériau en écho à la pensée animiste selon laquelle tous les êtres sont habités par des esprits : « Le bois s’exprime, il vieillit. Le bois en lui-même est un être.»
Oui tout à fait, l’esprit du bois est évoqué ici en lien avec l’esprit de la forêt et de l’eau. Longtemps dans les villages il n’était pas donné à n’importe qu’elle personne d’aller couper du bois dans la forêt, tout était lié à des parcours initiatiques car certains sacrifices se faisaient au pied d’arbres spécifiques.
L’installation « Bois Sacré » était une façon de me reconnecté avec mes ancêtres car nous sommes tous descendants d’animistes.
Diriez-vous que votre art s’inscrit dans un entre-deux, exposé à la fois à la galerie Afikaris à Paris, à Londres ou encore sur le continent africain ?
A Paris je suis officiellement représenté par deux Galeries notamment la Galerie AFIKARIS, La 193 Gallery et à Londres par SULGER-BUEL Gallery, mais je ne suis plus représenté sur le continent Africain par une Galerie.
J’en profite justement pour remercier Florian Azzopardi le directeur d’AFIKARIS et sa belle équipe qui ont cru en mon travail en le soutenant sérieusement !
Un dernier mot sur votre participation à la 14e édition de la Biennale de Dakar, Dak’art 2022…
Ma sélection à la 14ième Biennale de Dak’art 2022, quand je regarde dans le rétroviseur, je considère cela comme une forme de reconnaissance, même si la route est encore très très longue mais c’est comme si j’avais reçu le baptême par mes pairs et une belle vitrine pour montrer son travail sur le continent !